La variante, autorisée par l’article 50 du CMP, soulève bien des questions lorsqu’il s’agit de la mettre en application. L’avocat Antoine Woimant revient sur les principaux écueils : la recevabilité d’une variante, sa définition, et sa notation.
Les variantes, définies comme des « modifications, à l’initiative des candidats, de spécifications prévues dans la solution de base décrite dans les documents de la consultation », (CE 5 janvier 2011, Req. n° 343206), permettent aux soumissionnaires de présenter des propositions techniques plus performantes que celles qui pourraient résulter des seules offres de base. Faisant bénéficier à l’acheteur public de procédés ou de produits techniquement supérieurs, éventuellement innovants, et d’un meilleur rapport qualité́/prix, elles contribuent à rendre l’achat public performant. C’est en ce sens que l’article 50 du code des marchés publics autorise la présentation d’offres variantes par les candidats dans le cadre d’un marché public et que le régime de présentation des variantes est beaucoup plus souple depuis le décret du 25 août 2011 en n’imposant plus la présentation d’une offre de base dès lors que la variante est autorisée.
Bien que le Conseil d’Etat ait récemment jugé que « la simple méconnaissance de l’article 50 du CMP sur les variantes ne suffit pas à établir l’existence d’un intérêt lésé » et donc d’entrainer l’annulation de la procédure dans le cadre d’un référé précontractuel (CE, 3 déc. 2014, Département de la LoireAtlantique, Req. n°384180 ; solution transposable dans le cadre d’un recours en annulation Tarn et Garonne), la portée de cette jurisprudence doit être relativisée au regard du régime juridique de présentation des variantes. Si celui-ci laisse une certaine liberté aux candidats soumissionnaires, la présentation d’une offre variante reste conditionnée à l’objet même du marché et aux spécifications de la solution de base. Ce rappel est l’occasion d’effectuer un tour d’horizon des difficultés susceptibles de se poser lorsque l’acheteur public autorise la présentation de variantes dans le cadre d’un marché, cette faculté aussi intéressante soit-elle, rend plus complexe la comparaison et donc l’analyse des offres.
Variantes dans les MAPA / les appels d’offres
Sous réserve d’une autorisation expresse (procédure formalisée) ou implicite (MAPA), la présentation d’une variante à l’offre de base est une faculté pour les candidats. Pour un MAPA, qu’il soit passé par un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice, le principe est que les variantes sont autorisées sauf mention contraire dans le règlement de la consultation (article 50 – II du CMP). Dans le cadre d’une procédure formalisée, appel d’offres notamment, la personne publique décide expressément d’autoriser les variantes en le mentionnant dans l’AAPC ou le règlement de la consultation. Si les candidats peuvent être autorisés par la personne publique à présenter des offres variantes, ils sont en revanche tenus, dans le cas où elle ne leur a pas offert cette possibilité, de présenter une seule offre, qui doit être conforme aux exigences des documents de la consultation (CE, 12 mars 2012, Société Clear Channel France, Req. n°353826).
Toutefois, permettre la présentation d’une offre alternative à l’offre de base ne signifie pas que l’acheteur public s’en remet aux candidats pour déterminer ses besoins. Dans l’un et l’autre cas, la présentation des offres, de base ou variante, doit être précisée dans les documents de consultation. Pour les seuls marchés passés selon une procédure formalisée, l’article 50 du CMP indique que le pouvoir adjudicateur est tenu d’indiquer les « exigences minimales que les variantes doivent respecter ainsi que les modalités de leur présentation », étant précisé que « seules les variantes répondant à ces exigences minimales peuvent être prises en considération ». L’obligation d’autoriser expressément les variantes en procédure formalisée ne s’applique cependant pas aux entités adjudicatrices. Pour ces dernières, l’article 157 du Code des marchés publics dispose que les variantes sont autorisées si le règlement de la consultation ne le précise pas.
Recevabilité des variantes
Présenter une offre variante dans le cadre d’un appel d’offres alors que le règlement de la consultation ne l’autorise pas justifie le rejet de l’offre. Dans le cas contraire, lorsque les variantes sont autorisées, il reste à identifier ce qu’est une variante recevable. Une offre variante est recevable et n’affecte pas la régularité de la procédure si elle ne va pas à l’encontre de l’objet même du marché tel qu’il a été défini par la personne publique et des conditions essentielles d’exécution prévues par le CCTP. En outre, l’acheteur public doit encadrer les réponses avec variantes en précisant les points du cahier des charges sur lesquels elles sont autorisées, à défaut de quoi il manquerait à ses obligations de transparence et d’égalité en ne précisant ni la nature ou l’étendue des variantes, ni les modalités de présentation de cette variante. L’obligation de mentionner les exigences minimales que les variantes doivent respecter revient à interdire les variantes « libres ». Les pouvoirs adjudicateurs sont donc tenus d’exposer, de façon suffisamment précise, les exigences minimales permettant d’apprécier la nature et l’étendue des variantes.
Or, la notion d’« exigences minimales » est appréciée au cas par cas en jurisprudence, ce qui rend la grille de lecture complexe. A cet égard, il a été jugé que ne peut donc constituer une variante recevable, une offre prévoyant la dépose de la totalité de la charpente métallique existante en sa partie supérieure d’un mètre aux ponts roulants et son remplacement par une charpente métallique neuve d’aspect identique alors même que cela va à l’encontre des dispositions essentielles du CCTP (CE, 30 juin 2014, Société Eiffage construction Pays de la Loire, Req. n°376504). Il en est de même lorsque l’offre variante d’une assurance ne prévoit pas les garanties minimum visées au document de la consultation (CAA de Paris, 14 avril 2014, Paris Nord Assurances Services, Req. n°12PA03797). Il résulte de ce qui précède que l’autorisation des variantes par un acheteur public ne peut pallier une définition approximative de son besoin.
Dans le cadre d’un MAPA, le régime de présentation des variantes diffère sensiblement. D’une part, les variantes sont autorisées de fait, sauf mention contraire dans le règlement de la consultation. D’autre part, l’article 50 du CMP n’exige pas que les documents de la consultation précisent la nature ou l’objet des variantes. En d’autres termes, l’obligation de mentionner les exigences minimales que doivent respecter les variantes n’est qu’une faculté en procédure adaptée. Cependant, il est fortement recommandé d’indiquer les points sur lesquels les variantes sont autorisées et les exigences minimales à respecter afin de faciliter la comparaison des offres. En effet, l’analyse des offres s’avérera complexe en présence de variantes hétérogènes portant indifféremment sur les délais proposés, les éléments techniques ou encore les conditions de garantie.
Distinction variantes / précisions sur les moyens techniques
Ne constituent pas des variantes, des simples précisions que les candidats doivent apporter, en application du règlement de consultation, sur les moyens matériels mis en œuvre pour la réalisation du marché. De simples précisions apportées, en application du règlement de la consultation, par les candidats au CCTP sur les moyens techniques mis en œuvre pour exécuter le marché ne constituent pas des variantes dès lors que les candidats étaient tenus de respecter, sans pouvoir les modifier, les spécifications techniques prévues dans la solution de base (CE, 5 janvier 2011, Commune de Bonneval-sur-Arc, Req. n° 343206) C’est le cas par exemple lorsque le règlement de la consultation impose aux candidats de compléter le CCTP en proposant une rédaction complète des chapitres sur la description du procédé de déclenchement proposé, de ses ouvrages constitutifs et de leurs caractéristiques de fonctionnement (CE, 5 janvier 2011, Société technologie alpine sécurité, Req. n° 343206). Ou encore lorsque la société évincée a proposé initialement de réaliser les échafaudages en trois phases alors qu’il ne résulte pas du cahier des clauses techniques particulières que les pièces du marché imposaient le montage des échafaudages en une seule fois (CAA Lyon, 16 déc. 2014, Commune de Saint Gervais-les-Bains, Req. n° 14LY01172).
Dépôt d’une offre variante avec ou sans offre de base
L’article 50 du CMP autorise depuis 2011, les candidats à proposer des variantes sans obligatoirement faire une offre de base. Que ce soit en MAPA ou en appel d’offres, le principe est donc le libre choix pour les candidats : dépôt d’une variante avec ou sans offre de base. Toutefois, la personne publique peut s’opposer au libre choix laissé par le CMP en mentionnant expressément dans « l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation, que les variantes [doivent] nécessairement être accompagnées d’une offre de base », (point 4.5 de la circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics).
Méthode de notation des variantes
Le choix de ne pas interdire les variantes pour les MAPA ou de les autoriser pour les appels d’offres a une incidence directe sur le nombre d’offres susceptibles d’être déposées par un seul candidat, ceci engendrant un travail d’analyse des offres supplémentaire. Il est donc nécessaire en amont d’identifier si le secteur objet du marché, est un secteur concurrentiel avec potentiellement un nombre important de candidats (30 ou 40) et si les variantes sont indispensables ou pour le moins susceptibles d’apporter une réelle valeur ajoutée dans l’exécution du marché. En effet, les offres variantes sont des offres à part entière, au même titre que les offres de base. A l’issue de la procédure, l’offre économiquement la plus avantageuse désignée peut être une offre de base ou une variante.
Dans ces conditions, elles sont chacune analysées et notées dans les mêmes conditions, selon des critères et une pondération identiques définis dans le règlement de la consultation. A ce titre, un règlement de la consultation est irrégulier s’il prévoit des critères de notation distincts pour les variantes ou même un classement spécifique des variantes par rapport aux offres de base. Pour chacune de ces offres, la personne publique doit noter tous les critères de sélection, le principe de transparence lui imposant d’indiquer notamment dans le rapport d’analyse des offres, les motivations justifiant chacune des notes attribuées et par conséquent, la place dans le classement final. Ainsi, les variantes et les offres de base sont classées en fonction du total des notes obtenues sur chacun des critères. La 1ère du classement est l’offre économiquement la plus avantageuse, qu’elle soit ou non une variante, la personne publique ne pouvant décider arbitrairement d’écarter une offre de base au profit d’une variante, et inversement.
Auteur
Antoine Woimant
Avocat Associé