contact@mclavocats.fr
23 Rue Stanislas Torrents, Hôtel Grawitz | 13006 Marseille

Suivez-nous

Non classifié(e)La démission d’office du doyen d’âge du Conseil municipal en cas de refus de présider la séance au cours de laquelle il est procédé à l’élection du maire de la Commune

2020-12-15

Le refus, en qualité de conseiller municipal élu, à la suite d’une déclaration expresse rendue publique par son auteur, de présider, alors qu’il était le doyen d’âge des membres du conseil municipal, la séance au cours de laquelle il est procédé à l’élection du Maire, est sanctionné par le juge électoral par la démission d’office et l’inéligibilité de l’élu pendant un an.

 

a) L’office du juge saisi d’une requête en déclaration de démission d’office

L’office du juge saisi d’une requête en déclaration de démission d’office s’inscrit dans le cadre du contentieux électoral (CE, Ass., 6 novembre 1931, Sieur Busnel, …), auquel s’appliquent toutes les particularités procédurales qui vont avec cette caractéristique, que ce soit en termes de délai de recours (CE 17 octobre 1980 Denu, n°18156) et de pouvoir du juge de plein contentieux (CE, 22 décembre 1967, Sieur Michel, n° 72873,).
L’action formée par le maire d’une commune sur le fondement de l’article L. 2121-5 du CGCT n’a pas à être autorisée par une délibération du conseil municipal au motif « qu’en intentant une telle action, le maire n’agit pas au nom de la commune » (CE, 30 juin 1986, maire de Saint-Paul de la Réunion, n° 69262 ; CE, 2 octobre 1992, Alexandre, n° 138437).
En effet, le Maire, en saisissant le tribunal administratif sur le fondement de l’article L. 2121-5 du CGCT, agit en tant qu’autorité de l’Etat.

Aux termes de l’article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales :
« Tout membre d’un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif. / Le refus résulte soit d’une déclaration expresse adressée à qui de droit ou rendue publique par son auteur, soit de l’abstention persistante après avertissement de l’autorité chargée de la convocation. / Le membre ainsi démissionnaire ne peut être réélu avant le délai d’un an. » ;

En vertu de l’article R. 2121-5 du même code, « Dans les cas prévus à l’article L. 2121-5, la démission d’office des membres des conseils municipaux est prononcée par le tribunal administratif. / Le maire, après refus constaté dans les conditions prévues par l’article L. 2121-5 saisit dans le délai d’un mois, à peine de déchéance, le tribunal administratif. ».

Ainsi, lors de l’installation du conseil municipale celui qui en qualité de conseiller municipal élu, refuse, à la suite d’une déclaration expresse rendue publique par son auteur, de présider, alors qu’il était le doyen d’âge des membres du conseil, la séance au cours de laquelle il est procédé à l’élection du Maire encours la sanction de la démission d’office de son mandat.

La requête doit être présentée au Tribunal Administratif dans le délai d’un mois à compoter de ce refus conformément à l’article R. 2121-5 précité et est donc recevable.

 

b) Le refus de remplir une des fonctions dévolues par la loi au doyen d’âge des membres du conseil municipal

Aux termes de l’article L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales : « La séance au cours de laquelle il est procédé à l’élection du maire est présidée par le plus âgé des membres du conseil municipal ».

Il résulte de ces dispositions que la fonction, exercée par le plus âgé des membres du conseil municipal, de président de la séance au cours de laquelle il est procédé à l’élection du maire de la commune compte parmi les fonctions qui lui sont dévolues par les lois au sens de l’article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales.

Cette fonction de présidence de la séance est importante dans le déroulement de la séance d’installation du conseil municipal.

En effet, le doyen d’âge du conseil municipal, doit assurer conformément aux dispositions de l’article L. 2122-1 du code général des collectivités territoriales, la présidence de la séance, et procéder à l’installation des conseillers municipaux. A cette fin, en assurant la présidence de la séance sur le fondement de l’article L. 2122-8 du même code, il doit procéder à l’appel nominal des membres du conseil municipal et constaté que le quorum est atteint. Il lui revient ainsi d’appeler le premier point de l’ordre du jour qui est l’élection du maire, qui a lieu nécessairement au scrutin secret (uninominal, majoritaire à 3 tours).

Ainsi, le rôle du maire sortant est secondaire et se limite seulement à convoquer le conseil municipal renouvelé́ au titre de son pouvoir d’expédition des affaires courantes. Il ne lui revient pas, en revanche, d’« ouvrir la séance » ou d’ « installer le conseil », de telles prérogatives revenant exclusivement au doyen d’âge et devaient donc être pleinement exercées par lui :

« Considérant qu’il résulte de ces dispositions combinées qu’il appartient au président sortant du conseil communautaire de convoquer, dans le délai prévu, les nouveaux élus à la première réunion du conseil communautaire ; que le doyen d’âge préside cette première séance, au cours de laquelle sont installés, à la suite de leur élection, les conseillers communautaires et où il est procédé à l’élection du président, jusqu’à ce que ce dernier soit élu ; qu’en conséquence, le fait que M. Del Poso, président sortant, ait ouvert la séance du conseil communautaire du 9 avril 2014 et déclaré ses membres installés dans leurs fonctions à la place du doyen d’âge, constitue une irrégularité de procédure » (Conseil d’Etat, 17 avril 2015, req. 383275)

Ces prérogatives sont importantes puisque le doyen d’âge vérifie également que le quorum est réuni (c’est-à-dire lorsque la majorité́ des membres en exercice est présente). Il vérifie également que le conseil est complet, c’est-à-dire que tous les sièges de conseillers municipaux soient bien pourvus.

Au regard de l’importance d’un telle compétence légale confiée au doyen d’âge du conseil municipal, le refus de l’exercice d’une telle prérogative est inexcusable.

L’attitude des élus locaux qui refusent à exercer une prérogative légale encourt la démission d’office qui s’apparente ainsi à une révocation disciplinaire, prononcée directement par le juge.

Il appartient au juge administratif, statuant comme juge de plein contentieux, d’apprécier si le conseiller municipal qui refuse d’assurer l’une des fonctions qui lui est dévolue présente une excuse valable.

Toutefois, il résulte du texte de l’article L. 2121-5 que le juge administratif ne dispose pas du pouvoir d’apprécier en opportunité s’il y a lieu ou pas de prononcer la démission d’office, mais est, au contraire, tenu de prononcer celle-ci, si les conditions sont réunies. Il est certain que, comme juge de plein contentieux d’une mesure de nature disciplinaire, il dispose d’un pouvoir d’appréciation plein et entier pour apprécier si ces conditions sont réunies.

 

c) Deux exemples jurisprudentiels qui déclarent la démission d’office

Le Tribunal Administratif de Lille, a pour la première fois, déclarer le conseiller municipal doyen d’âge du Conseil municipal nouvellement élu, démissionnaire d’office de ses fonctions de conseiller municipal :

« Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la fonction, exercée par le plus âgé des membres du conseil municipal, de président de la séance au cours de laquelle il est procédé à l’élection du maire de la commune compte parmi les fonctions qui lui sont dévolues par les lois au sens de l’article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales ; qu’il résulte de l’instruction que, le 21 juillet 2014, M. Caron, membre le plus âgé du conseil municipal de Lebiez, invité par M. Dubois, alors premier adjoint, à présider la séance au cours de laquelle il a été procédé à l’élection du maire de la commune, a refusé publiquement, à deux reprises, d’exercer cette fonction ; que si l’intéressé fait valoir que lors de cette séance, « la tension était palpable » et qu’il a voulu rester neutre afin de ne pas entretenir les discordes existantes, ces éléments, pas plus d’ailleurs que la circonstance qu’il ignorait les conséquences de son acte, ne peuvent être regardés comme constituant une excuse valable au sens des dispositions précitées, alors, au surplus, que M. Caron avait présidé une précédente séance du conseil municipal au cours de laquelle il avait été procédé à une première élection du maire, ultérieurement annulée par le tribunal administratif » (TA LILLE, N°1404813, 27 août 2014, Marc DUBOIS).

Mutatis mutandis, le Tribunal Administratif de Marseille vient de confirmer le 21 Juillet 2020 (N° 2004634) cette position, en estimant qu’un conseiller municipal, ancien maire à cinq reprises de la commune, devait être déclaré démissionnaire d’office de ses fonctions en estimant que le :

« membre le plus âgé du conseil municipal de la commune de Berre l’Etang, a alors été invité à présider la séance au cours de laquelle il allait être procédé à l’élection du maire de la commune. Prenant la parole, l’intéressé a rappelé qu’un recours avait été introduit pour contester le résultat des opérations électorales et indiqué que les élus du groupe « Berre Notre Passion », dans l’attente de l’issue de ce recours, ne participeraient pas à la suite de l’ordre du jour et allaient se retirer. Il a ensuite souhaité une bonne élection et une bonne séance aux conseillers municipaux restant dans la salle, et s’est retiré, suivi de plusieurs conseillers municipaux. En agissant de la sorte, et même si le départ de la séance a été collectif, M. Andreoni a, ainsi, refusé publiquement d’exercer la fonction qui lui était dévolue par la loi et ne s’est pas contenté de s’absenter au décours de cette séance. Sa déclaration a été confirmée et rendue publique une nouvelle fois par la distribution d’un tract, signé par son auteur et diffusé dans les boîtes aux lettres des habitants de la commune ».

A cette occasion, le Tribunal a souligné que « l’introduction d’une protestation encore pendante devant le juge de l’élection ne saurait tenir lieu de motif valable pour refuser de présider la séance au cours de laquelle il est procédé à l’élection du maire ».

Le Tribunal a conclu que « Dès lors, en refusant publiquement, au motif qu’il contestait le résultat des élections, de présider la séance au cours de laquelle il a été procédé à l’élection du maire de la commune alors qu’il était le plus âgé des membres du conseil municipal, M. Andreoni a refusé, sans motif valable et publiquement, de remplir une des fonctions qui lui était dévolue par la loi. Il doit, par suite, être déclaré démissionnaire d’office de ses fonctions de conseiller municipal ».

Ces deux exemples jurisprudentiels posent dorénavant l’état du droit en la matière confirmé par la Cour Administrative d’Appel de Marseille qui vient de juger par un arrêt du 16 novembre 2020 (n°20MA03043) que l’intéressé « doit être regardé comme ayant refusé, par une déclaration expresse et publique ne rendant nécessaire aucun avertissement, d’accomplir la fonction de président de séance qui lui était dévolue par la loi ».

 

 

Auteur

Jorge Mendes Constante
Avocat Associé