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Non classifié(e)La subdélégation de service public des pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices privés (Partie 1)

2011-12-04

Le droit à la subdélégation de service public est reconnu par le juge à tous les titulaires d’une délégation de service public et, par conséquent, aux pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices privés de type société d’économie mixte (SEM) ou société publique locale (SPL) (1). La subdélégation a pour objet de confier à un tiers, une partie ou la totalité du service public qui leur a été délégué (2). L’attribution de la subdélégation se fait à la suite d’une publicité et d’une mise en concurrence plus ou moins contraignante suivant la nature du subdélégataire (3).

1- Le droit à la subdélégation reconnu pour les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices.

La subdélégation de service public a été consacrée par le juge comme un sous-contrat de délégation de service public (A). Il convient néanmoins de la distinguer des autres formes de sous-contrat tel que la sous-traitance, la cession ou encore la sous-occupation privative du domaine public (B).

A- La subdélégation, un sous-contrat de la délégation de service public

Le recours à la subdélégation a été consacré par la juridiction administrative (1). Un « droit commun » de la subdélégation, qui conditionne son recours à l’agrément obligatoire du délégant, a progressivement été dégagé en jurisprudence (2).

1- Un sous-contrat consacré par le juge

L’article L. 1411-1 du CGCT définit la délégation de service public comme le contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé. Ce délégataire perçoit une rémunération substantiellement liée aux résultats de l’exploitation. Celui-ci assume également les risques financiers liés à cette exploitation. Les trois principaux contrats passés susceptibles d’être qualifiés de délégation de service public sont la concession, l’affermage et la régie intéressée.

La subdélégation de service public est un contrat par lequel le titulaire d’une délégation de service public, qu’il soit fermier (affermage), régisseur (régie intéressée) ou concessionnaire (concession), subdélègue à un tiers une partie ou la totalité du service public dont il assure la gestion. La partie du service public subdéléguée sera par conséquent exploitée par le subdélégataire et non plus par le délégataire.

La convention de subdélégation recouvre les mêmes caractéristiques que la délégation de service public, c’est-à-dire qu’elle doit d’une part, confier à l’opérateur économique (ou subdélégataire) la gestion d’une activité de service public, que ce dernier l’exploite en assumant les risques financiers liés à son exploitation d’autre part, et enfin, que sa rémunération soit assurée substantiellement par les résultats de l’exploitation. C’est en ce sens Dans cet avis, les activités de service public visées concernaient les activités de distribution de carburant et de restauration exercées dans les installations annexes des autoroutes. Le Conseil d’Etat a considéré que de telles « activités […] peuvent être regardées comme des activités de service public [dans la mesure où elles sont] directement nécessaires aux besoins particuliers des usagers des autoroutes, répondent à des considérations d’intérêt général en contribuant à la sécurité et à l’efficacité du trafic autoroutier et qui, par suite, sont soumises par les sociétés concessionnaires, à des contraintes et des conditions d’exploitation propres à assurer aux usagers un service continu et adapté ». Pour les autres activités, notamment commerciales, le contrat autorisant leur exploitation n’est pas une subdélégation.

Par conséquent, les titulaires de ces contrats sont titulaires d’un contrat de subdélégation ou plus précisément de sous-concession puisque « les entreprises qui, en vertu de ces contrats, sont prestataires de service, tirent l’intégralité de leurs ressources des recettes d’exploitation de leur activité : elles en supportent ainsi le risque économique. C’est pourquoi ceux de ces contrats qui ont pour objet principal de confier, dans les conditions ci-dessus rappelées, la gestion d’un service public, doivent s’analyser comme des sous-concessions de service public » (CE, avis du 16 mai 2002). Une subdélégation possède donc les mêmes caractéristiques qu’une délégation de service public.

Par ailleurs, la possibilité de recourir à la subdélégation est reconnue à tous les délégataires, qu’ils soient pouvoirs adjudicateurs ou non. En effet, l’avis du Conseil d’Etat du 16 mai 2002 aborde la subdélégation sans pour autant faire de distinction entre les SEM concessionnaires d’autoroutes (les SEMCA) et les concessionnaires constitués de capitaux uniquement privés telle Cofiroute. Ce qui change, en revanche, ce sont les obligations de publicité et de mise en concurrence pour le choix du sous-concessionnaire lorsque le délégataire est un pouvoir adjudicateur, obligations qui n’existent pas pour les délégataires non qualifiés de pouvoir adjudicateur. Toutefois, en ce qui concerne les SEM concessionnaires d’autoroute, ces derniers ne sont plus pouvoir adjudicateur depuis leur privatisation. La privatisation ne change donc ni la possibilité de recourir à la subdélégation ni ses caractéristiques. Pour les concessionnaires d’autoroutes privatisées, l’attribution de ces sous-concessions n’est plus soumise à des obligations de publicité et de mise en concurrence.

2- L’agrément obligatoire du délégant

La jurisprudence a admis la possibilité de recourir à la subdélégation en fixant toutefois deux conditions alternatives:

• soit une autorisation sur décision expresse du délégant;

• soit l’autorisation expressément prévue dans les clauses du contrat de délégation de service public.

L’agrément obligatoire du délégant a été réaffirmé par le Conseil d’Etat dans son avis du 16 mai 2002 (n°366.305, Rapport public 2003, p. 201) en ces termes:

«dans la mesure où une convention de délégation de service public est conclue en raison de considérations propres à chaque cocontractant, le contrat par lequel la société d’autoroutes confie une partie de ses obligations à un tiers ne peut être conclu même en l’absence de clause spéciale en ce sens, qu’avec l’agrément de la collectivité publique délégante».

Le Conseil d’Etat confirme sa position, tout en la précisant, dans son arrêt Sté Coquelicot Promotion (24 sept 2003, Req. n°203268). En l’espèce, la Ville de Paris avait confié la gestion du stade du Parc des Princes à la

Le Conseil d’Etat a considéré que, dans la mesure où « la Ville de Paris n’avait donné aucun agrément à un quelconque contrat de sous-concession dont serait titulaire cette société [Coquelicot Promotion, cette dernière] ne pouvait donc se prévaloir de la situation irrégulière dans laquelle elle se trouvait ». Ainsi, le fait de ne pas bénéficier « d’un agrément formel de la ville de Paris, sans rechercher si la ville de Paris ne lui avait pas accordé un agrément tacite » suffit à caractériser l’illégalité de la situation de cette société et par conséquent de lui dénier un intérêt à agir en l’espèce.

En réaffirmant le caractère impératif et obligatoire de l’agrément de l’autorité délégante initiale, cet arrêt confirme que la subdélégation est un véritable sous-contrat de la délégation de service public et que son existence n’est pas liée à la volonté du délégataire mais bien à celle du délégant. Ce dernier décide au final d’une part, s’il y a lieu de subdéléguer une partie du service public et, d’autre part, se prononce sur le choix du subdélégataire proposé par le subdélégant. Comme le précise le Conseil d’Etat dans son avis du 16 mai 2002, « l’agrément […] a notamment pour objet d’apprécier les garanties professionnelles et financières que doit présenter l’entreprise prestataire en vue d’assurer le bon fonctionnement des missions qui lui sont confiées».

Par ailleurs, cet arrêt vient préciser que l’agrément du délégant doit également être un agrément exprès. Le Conseil d’Etat rejette donc l’hypothèse d’un agrément tacite. Cela oblige le délégant à contrôler la subdélégation qui pourrait être opérée par le délégataire. De cette manière, si aucune clause de la convention de délégation de service public ne prévoit l’agrément du délégant ou si une clause de la convention autorise le délégataire à subdéléguer une partie du service public qui lui a été confié sans prévoir d’agrément du délégant, le caractère exprès de l’agrément rend cette clause inopérante et ne permet pas au délégataire de l’invoquer pour se décharger d’une partie de la responsabilité de l’exploitation du service public délégué.

B- Les notions juridiques connexes

La subdélégation de service public est un montage contractuel qui peut notamment être confondu avec des notions juridiques voisines comme la sous-traitance ou la cession (1) ou la sous-occupation privative du domaine public (2). Ces dernières notions doivent être différenciées.

1- La sous-traitance et la cession, des notions voisines

La distinction subdélégation/sous-traitance. Il convient d’interpréter restrictivement la notion de sous-traitance et de se limiter à la définition légale ainsi qu’au régime qui lui est applicable depuis la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975.

L’article 1er de ladite loi dispose que la sous-traitance est « l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant tout ou partie de l’exécution du contrat d’entreprise ou du marché public conclu avec le maître d’ouvrage ». Par cette définition, le contrat de sous-traitance intervient comme un sous-contrat d’un contrat d’entreprise (articles 1779 et 1787 du Code civil) ou d’un marché public et il n’est pas envisagé pour les conventions de délégation de service public.

La distinction subdélégation/cession. La distinction entre la subdélégation et la cession totale du contrat de délégation de service public à un tiers peut paraître évidente. Ce n’est toutefois pas le cas lorsque la cession n’est que partielle. Selon le Conseil d’Etat, dans son avis du 8 juin 2000 (Req. n°141654), « la cession d’un marché ou d’une délégation de service public doit s’entendre de la reprise pure et simple, par le cessionnaire qui constitue son nouveau titulaire, de l’ensemble des droits et obligations résultant du précédent contrat ».

Deux caractéristiques permettent d’identifier la subdélégation de la cession partielle d’une convention de délégation de service public:

• la substitution du cocontractant pour l’ensemble des droits et obligations issus du contrat

• le maintien du contrat initial.

Le maintien du contrat initial nécessite que « les éléments essentiels de ce contrat, tels que la durée, le prix, la nature des prestations et, s’agissant des concessions, le prix demandé aux usagers » (Avis du 8 juin 2000) ne soient pas remis en cause. Si un de ces éléments substantiels du contrat est modifié, on assiste à « la conclusion d’un nouveau contrat » et non plus à une cession. Que ce soit pour un marché ou une délégation de service public, ce nouveau contrat, même sous la forme d’un avenant, impliquerait alors une nouvelle publicité et une mise en concurrence telles qu’imposées par le code des marchés publics, l’ordonnance n°2005-647 du 6 juin 2005 ou encore la loi Sapin, obligations expressément écartées pour les cessions par le Conseil d’Etat dans son avis du 8 juin 2000.

Le point commun entre la cession et la subdélégation est l’exigence d’une autorisation par la personne publique contractante.

2- La sous-occupation privative du domaine public

Les contrats de sous-location du domaine public, pour reprendre l’expression employée par le Professeur Jean Dufau, peuvent prendre la forme soit d’un contrat portant occupation du domaine public ou plus précisément sous-occupation du domaine public, soit d’un contrat de sous-location « classique », de droit privé. Ces deux types de contrats, alors même qu’ils portent sur l’occupation de dépendances du domaine public, vont se voir appliquer des régimes distincts et cela en raison de la qualité et de la nature du « sous-loueur » du domaine public. La sous-location du domaine public sera qualifiée de contrat portant occupation ou sous-occupation du domaine public. Il recouvrira par conséquent la nature de contrat de droit public lorsque le « sous-loueur » est une personne publique ou une personne privée concessionnaire de service public. Dans les autres cas de figure, ce contrat de sous-location du domaine public sera un contrat de droit privé. Le critère organique est déterminant dans la qualification juridique des contrats de sous-location.

En effet, l’article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) dispose en ces termes que « sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : 1º Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclues par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ».

Le principe posé par le CGPPP est donc que seules les personnes privées concessionnaires peuvent passer une convention de sous-occupation du domaine public. Toutefois ce terme de « concessionnaire » doit être entendu strictement. De nombreuses dénominations sont données à un contrat d’occupation du domaine public. Est notamment utilisé le terme de « concession » d’occupation temporaire du domaine public. Ainsi la notion de «concessionnaire » reprise par l’article L. 2331-1 du CGPPP peut prêter à confusion. Il est de jurisprudence constante que le nom donné à un contrat n’emporte pas qualification de ce contrat. En d’autres termes, la personne privée titulaire de ce contrat de concession d’occupation temporaire n’est que titulaire d’un contrat portant occupation du domaine public. Il n’est en rien un concessionnaire au sens de l’article précédemment

Il convient d’entendre par « concessionnaire », celui d’un service public, comme le précise l’arrêt du Tribunal des conflits Ste des Steeple-Chases de France du 10 juillet 1956. Certes, le Tribunal fonde sa jurisprudence sur l’article 1er du décret-loi du 17 juin 1938 codifié à l’article 84 du Code du domaine de l’Etat. Bien qu’abrogé par l’ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du CGPP, cet article est sur ce point repris de manière quasi identique par l’article L. 2331-1 du CGPP. Il convient ainsi d’appliquer la jurisprudence du Tribunal des conflits. L’arrêt Ste des Steeple-Chases de France affirme que « si l’article 1er du décret du 17 juin 1938 attribue à la juridiction administrative la connaissance de tous les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, passés par l’Etat, les départements, les communes les établissements publics ou leurs concessionnaires, ces derniers doivent s’entendre uniquement, pour l’application de ce texte, des concessionnaires de service public».

Par conséquent, les contrats de sous-location des personnes privées délégataires de services publics, dont font parties les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices privés, sont des contrats d’occupation du domaine public, de droit administratif par détermination de la loi et disposent, par conséquent, d’un pouvoir de résiliation unilatérale du contrat pour motif d’intérêt général.

Ce pouvoir de résiliation unilatérale n’est donc pas reconnu aux personnes privées titulaires d’un contrat d’occupation privative du domaine public c’est-à-dire sans service public et qui sous-louent le domaine public à une autre personne privée, ces contrats de sous-location étant des contrats de droit privé.

Cette position a été réaffirmée à plusieurs reprises par le Tribunal des conflits, notamment dans son arrêt M. Schmitt c/Association Lorraine d’exploitation et de modélisme ferroviaire du 15 mars 1999 (Req. n° 03080). En l’espèce, la SNCF avait mis à la disposition d’une association des installations en gare de Hombourg-Budange dépendant du domaine public ferroviaire. Celle-ci a donné à bail une partie des installations à M. SCHMITT. Le Tribunal a considéré que « l’association n’était pas concessionnaire d’un service public ; que, dans ces conditions, le litige né de l’exécution du contrat de droit privé passé entre elle et M. SCHMITT, personnes de droit privé, même si ce bail comportait occupation du domaine public, relève de la compétence des juridictions

Toutefois, le Professeur Jean Dufau estime que même si ce contrat « est un contrat de droit privé, [cette circonstance] n’implique nullement que le particulier cocontractant pourrait se prévaloir de toutes les règles relatives aux contrats de droit privé » (Le domaine public, Le Moniteur, 5° Ed, 573. p, p. 453). Le caractère précaire et révocable lié à l’occupation du domaine public implique que ce sous-contrat d’occupation ne puisse bénéficier des dispositions afférentes aux contrats spéciaux tels que les baux commerciaux (articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce) ou les baux d’habitation. Le cocontractant ne peut bénéficier de dispositions légales plus avantageuses que le « sous-loueur ». La convention de sous-occupation est donc un sous-contrat qui, bien qu’il soit de droit privé alors même que le contrat initial est de droit public, doit respecter certains termes du contrat d’occupation initiale comme par exemple sa durée qui ne doit pas excéder celle du contrat initial d’occupation.

A suivre : 2 Les caractéristiques de la subdélégation de service public (Partie 2)

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Auteur

Antoine Woimant
Avocat Associé